vendredi 23 mars 2012

MESSAGE N°4 – Traversée Georgetown (Ile de l’Ascension) – Praia de Santiago (Iles du Cap Vert)

Boucler … la boucle…
JOUR 4 – Jeudi 22 Mars 2012

Distance de l’Ile de l’Ascension  641 milles
Distance de Praia de Santiago  869 milles
Position à midi 02°46’Nord/15°23’Ouest –
Distance parcourue en 24 H00 : 115 milles

Pot au Noir…

Nous y sommes depuis hier après-midi. Mais la nuit, bien qu’avec un vent très léger, n’a pas été désagréable. La mer est plutôt calme, il n’y a pratiquement pas de houle. Nous avons démarré le moteur bâbord hier vers 14H00, il a tourné toute la nuit et jusqu’à midi. J’avais ouvert en grand la porte de la salle des machines, pour tenter de diminuer la température dans le compartiment. Plus de 32°C pour l’air extérieur, 29°C pour l’eau de mer. Le gennaker s’est vaguement gonflé toute la nuit, juste tenu en l’air par une légère brise d’est. Puis j’ai profité d’un petit souffle d’air venu de l’arrière pour envoyer le spi, vers 11H00, et démarrer le moteur tribord. Bâbord au repos. Puis plus rien.

Pas un souffle. Le ciel est désormais couvert, gris, avec des grains de pluie, de l’orage qui tonne, des éclairs. Nous avançons à 4 nœuds, cap au nord.

Le loch du GPS a franchi la barre des 32 000 milles depuis le départ.

Tout est moite. Hier soir nous avons mangé des papillotes de daurade aux petits légumes. Succulent ! Au déjeuner, Barbara nous a fait des pommes de terre sautées. Simple, mais l’équipage adore. Barbara a commencé à trier des affaires, elle fait tous les équipets les uns après les autres, retrouvant parfois des souvenirs de voyage oubliés. Elle prépare ses valises. Pour elle (et les enfants) cela sent la fin du voyage. Elle prépare une autre vie… « Bien des instants de la vie seraient délicieux si le passé ou l’avenir n’y projetaient leur ombre… » Un avion les attend début Avril à Praia, sur l’île de Santiago, au Cap Vert. Prévu de longue date d’une part pour permettre aux enfants de rentrer 3 mois avant leur brevet de fin de 3ème et commencer à se réintégrer dans le système, et d’autre part pour leur éviter la difficile remontée des alizés de nord-est vers les Açores, ils vont débarquer dans quelques jours, après avoir bouclé leur tour du monde. Je vais soudainement me retrouver sans eux, et, après avoir vécu en microcosme familial depuis près de trois années, cela sera certainement très difficile pour moi. Mais je ne serai pas seul. Mon frère aîné me rejoint à l’escale de Praia, et nous allons naviguer ensemble jusqu’aux Açores. Après ? Après, j’attends Timothée, mon fils aîné, pour effectuer le dernier tronçon du voyage avec lui jusqu’en France. J’espère qu’il va pouvoir venir. S’il ne peut pas, je préfère finir ce grand voyage en solitaire, au milieu de mes pensées, en ramenant le bateau au bercail.

Pour finir le job. Et tourner la page d'un rêve réalisé.

Alors commencera pour moi aussi une autre vie.

Là-bas, loin devant, à 500 milles environ, l’archipel des Bijagos, en Guinée-Bissau. Et puis quelques milles plus loin, l’embouchure de la Casamance. Mais à 4 nœuds, c’est encore loin ! Et puis, on mettra le clignotant à gauche avant d’arriver là-bas… Mais la vraie question, c’est de savoir d’où soufflera le vent quand on sortira du coaltar ?

« La poulie a crié. La voile suspendue ne demande qu’un souffle à la brise attendue. » (Sainte Beuve) A demain !